L’éveil à la beauté
Dans l’un des chapitres sur le thème de l’initiation, Hazrat Inayat Khan expose les cinq principales phases que l’apprenti doit franchir pour atteindre le but. Certaines d’entre elles ne nous surprennent peut-être pas beaucoup, mais en examinant attentivement la liste, nous pourrions être surpris par l’ordre dans lequel elles se présentent. Si quelqu’un nous dit : “L’une des étapes, n’est d’être tolérant et indulgent”, nous pourrions dire : “Oui, ça c’est probablement la première phase”, car nous supposons que la personne spirituelle doit être d’une douceur et d’une gentillesse sans faille. Mais si l’on nous dit qu’une autre phase consiste à accepter ce que l’on n’aime pas, ce que l’on ne supporte pas, comme si c’était un plaisir, nous dirons : “Ah, oui, cela pourrait être la première phase”, car même avant la bonté et la douceur, nous avons la conception que le chemin spirituel doit être difficile ; plus il est difficile, plus il doit être spirituel !
Mais en vérité, ces phases viennent plus tard dans le processus. La première , nous dit Hazrat Inayat Khan, consiste simplement à répondre à la beauté – beauté de la musique, de la parole, du vers , de la couleur – beauté de toute sorte. Une personne pensive pourrait se demander pourquoi la réaction à la beauté devrait être si importante.
La beauté n’est pas quantifiable ou comparable par degrés ; il n’est pas possible de dire à quel point une fleur est belle, ni que cette fleur est plus belle que celle-là, et encore moins de dire qu’une personne est plus belle qu’une autre. En effet, la beauté, comme l’a observé Platon, est dans l’œil de celui qui regarde. Lorsqu’on a demandé à Majnun pourquoi il était si follement amoureux de Leilah et non pas d’une autre fille, car beaucoup semblaient tout aussi séduisantes, il a répondu : “Pour voir la beauté de Leilah, il faut emprunter les yeux de Majnun”. Mais pour être plus précis, ce ne sont pas ses yeux qu’il faut emprunter, mais son cœur, car la beauté ne se reconnaît ni avec la vue, ni avec l’intellect, mais avec le sentiment.
La capacité à répondre à la beauté devient donc une sorte de moyen de mesure du degré de préparation de l’apprenti pour le voyage. Si le cœur est fermé et, malheureusement, un cœur gelé est la condition générale du monde actuel – il n’y aura pas de grande réponse à quoi que ce soit, ni à la nature, ni à l’art, ni à la personnalité, et dans ce cas, quel espoir peut-il y avoir de connaître Celui qui est la Perfection de la Beauté ?
Et, pourrait-on se demander, comment pouvons-nous nous éveiller à la beauté ? Il suffit de regarder autour de nous. La beauté ne manque pas, où que nous soyons, mais nous devons prendre la peine de regarder – non pas comme nous le faisons habituellement, avec nos yeux et nos pensées, mais avec notre cœur. Et lorsque nous commencerons vraiment à reconnaître le beau, nous serons prêts pour la deuxième phase du processus : nous permettre de nous élever de notre état habituel par l’exaltation que seule la beauté peut inspirer.
Traduit par Taviz Emily Lopez