Soyez le berger
Il y a diverses histoires soufies sur le prophète Moïse; selon la tradition, il a eu des conversations régulières avec Dieu, et parce que Moïse est associé à la Loi, les histoires traitent souvent des limites de la loi face à la Vérité. Un exemple est l’histoire de Moïse et le berger, que Hazrat Inayat Khan a raconté plusieurs fois.
Un jour, alors que Moïse traversait le désert, il passait près d’un berger qui s’occupait de ses prières. Le berger, à sa manière simple, disait: «Oh, mon Dieu, je vous aime tellement. Si seulement vous veniez me rendre visite, je prendrais soin de vous très soigneusement, et je vous accueillerais. Je vous donnerais de l’ombre dans ma tente, et je vous apporterais du lait frais à boire, et de douces dattes à manger, je vous peignerais les cheveux et j’y mettrais de l’huile parfumée. Si seulement tu venais! » En entendant un langage aussi rustique, Moïse ne put se contenir, et il dit au berger:« De quoi parlez-vous?! Le Seigneur Dieu a créé tout l’univers! Pensez-vous qu’il a besoin de votre lait et de votre poignée de dattes? Le Maître des cieux et de la terre mettra-t-il sa tête sur les genoux d’un paysan? Ce n’est pas la manière de prier! »Le berger se sentit très honteux et, les larmes aux yeux, dit qu’il était désolé et qu’il essayerait de faire mieux. Se sentant satisfait, Moïse se mit en route, mais soudain une voix lui vint de l’intérieur: «Moïse! Nous ne sommes pas contents de vous. Nous vous avons envoyé pour rapprocher nos enfants de Nous, mais vous avez fait sentir le berger très loin! » Et Moïse, plein de regrets, pleura et supplia le pardon.
D’une certaine façon cette histoire a deux niveaux. En surface, il est facile de voir qu’elle est très semblable à l’enseignement de Hazrat Inayat Khan récemment publié, sur la non correction des fautes des autres. Peut-être, en entendant le récit, comme Moïse, nous nous sentons châtiés, car qui n’a jamais été coupable de savoir mieux que l’autre? Peut-être nous ne mettons pas toujours nos pensées en mots brusques, mais si la critique est là, une pensée comme: «Quel ignorant! Cette personne ne sait pas ce qu’il ou elle fait », montre que nous partageons l’erreur de Moïse.
Mais un autre niveau dans l’histoire est la simple innocence du berger. Par son dévouement, il rapprocha son monde et le Divin. Peut-être avec une éducation différente son concept de Dieu aurait été plus grand, plus inspirant, mais il n’aurait pas été plus proche. Et la vérité est que, quel que soit notre niveau de compréhension, nous ne sommes pas plus que des bergers. Aucun de nous ne peut contenir la Vérité Infinie dans nos prières. Aussi haut que nous atteignons, aussi large que nous étendons nos bras, Dieu continue au-delà. Mais nous ne devons pas nous inquiéter de l’adéquation de notre modèle, tant que nous invitons sincèrement le Divin à être présents avec nous. C’est ce que c’est d’être le berger dans ce conte.
Tr. Taviz Emily Lopez